Débordés de consultations, les experts de l’addiction à la boisson tirent la sonnette d’alarme : durant la pandémie, une partie de la population a perdu le contrôle de sa consommation. Un plan national alcool s’impose.
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N’allez pas croire que ce public en détresse, aux portes de l’alcoolisme, se compose de marginaux. « C’est Monsieur et Madame tout le monde, des gens bien insérés, avec un boulot, une famille. Ils ont entre 30 et 60 ans. Ce sont autant des hommes que des femmes », décrit le Dr Pinto.
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Les alcoologues tirent la sonnette d’alarme sanitaire. Cette surconsommation d’alcool par une partie significative de la population risque de créer de gros dégâts de santé publique à long terme, d’autant que les personnes franchissant le pas de leur cabinet ne constitueraient que la partie émergée d’un gros glaçon plongé dans un généreux verre de vodka. On sait en effet qu’en temps ordinaire, 10 % de la population entretient un rapport problématique avec l’alcool mais que neuf personnes concernées sur dix ne se font pas soigner. « Or, plus tôt on se fait traiter, plus on a de chance de corriger le tir et de retrouver une consommation acceptable pour la santé. Il faut donc démythifier la démarche de se rendre chez un alcoologue », estime Martin de Duve, directeur d’Univers Santé à Louvain-la-Neuve.
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« La crise du covid montre que notre monde politique n’a pas protégé les gens déjà fragilisés par l’alcool, comme il l’a pourtant fait contre la cigarette », assène le Dr Thomas Orban, dénonçant la facilité avec laquelle ces personnes peuvent se procurer bouteilles et cannettes. « Etre dépourvu de plan alcool face à une déferlante de personnes qui s’alcoolisent, c’est comme entamer une crise du covid sans masque. Résultat : c’est la débandade. » Décrivant depuis des années la Belgique comme « un mauvais exemple de régulation du marché de l’alcool, en termes de prix, de vente et de publicité », Martin de Duve espère toutefois que la période actuelle poussera les décisionnaires à bâtir un plan national d’action alcool après des échecs répétés. Encore faut-il, glisse Emmanuel Pinto, que, « face au lobby de l’alcool, les décideurs fassent preuve de courage politique, celui qu’ils n’ont pas eu jusqu’ici ».
Lire l’article / source : Alcool: le confinement a fait des ravages (Le Soir, 7/5/2021)