Une carte blanche signée par Christopher Collin (DUNE), Ariane Dierickx (L’Ilot), Edgar Szoc (Ligue des droits humains), Christine Vanhessen (AMA – Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri) et par Laurent d’Ursel (DoucheFLUX), également publiée dans La Libre Belgique jeudi 29 juin 2023.
L’interdiction de la consommation et de la vente d’alcool frappe une partie importante du centre-ville de Bruxelles mais aussi Schaerbeek, Molenbeek et Saint-Josse, où la répression des consommateurs·rices est accentuée dans certaines zones et les établissements de quartier sommés de fermer leurs portes.
Depuis le 22 juin, à Saint-Gilles, la consommation d’alcool est désormais également interdite dans un large périmètre de l’espace public. Une quinzaine de rues, parcs ou places sont concernées par une ordonnance de police qui couvre la période du 22 juin au 11 septembre. L’interdiction visée par ladite ordonnance porte en particulier sur la place du Parvis de Saint-Gilles et ses environs, à l’exception des établissements HORECA et de leurs terrasses, qui ne sont pas visées par la mesure.
Alors que l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse permet de prévenir les nuisances associées à la consommation, la décision d’interdire d’alcool sur la voie publique relève d’une logique strictement punitive et contre-productive.
Pis, elle apparaît offrir un traitement différencié aux personnes qui disposent de ressources suffisantes pour fréquenter les espaces publics HORECA. Les conséquences de l’interdiction d’alcool sur la voie publique apparaissent ainsi sensiblement plus lourdes pour toutes celles et ceux qui n’ont pas accès aux établissements HORECA et à leurs terrasses.
La consommation problématique d’alcool ou de drogues, licites ou illicites, a pour effet de compenser les difficultés liées à un parcours ou à une situation de fragilité sociale, mais aussi d’affronter les conditions de la vie en rue.
Les constats sont alarmants. Bruxelles dénombre 7134 personnes sans abris, chiffre publié par Bruss’help ce 28 juin, soit 2000 personnes en plus que lors du précédent recensement il y a deux ans.
Les nuisances, tensions et troubles évoqués, auxquels cette décision voudrait très maladroitement remédier, sont liés au basculement dans l’extrême précarité d’une population toujours plus grande.
Plutôt que d’appliquer, encore et encore, des règlements stériles, osons garantir un traitement juste et proportionné à l’ensemble des citoyens·nes. Afin d’apporter des solutions éclairées, durables et créatives aux troubles et tensions dans l’espace public, osons compter sur l’expertise du tissu associatif et des professionnels·es du secteur social-santé.
L’usage dérégulé d’alcool ou de drogues est un problème de santé publique. On ne soigne pas un problème de santé publique par la répression. Ces règlements ne conduisent qu’à déplacer les personnes vers d’autres lieux, ils ne résolvent rien. De plus, cela précarise encore davantage ces publics qui se retrouvent ainsi dans des lieux qui sont plus dangereux pour eux.
Nous, travailleuses et travailleurs de première ligne, nous appelons les communes à ne pas céder à la tentation de ces règlements violents et discriminatoires.