Pub et alcool, à quand la fin des incohérences ?

La réglementation laxiste en matière de publicité pour l’alcool en Belgique, son non respect, ainsi que la connivence, voire le contrôle du Jury d’Ethique Publicitaire (JEP) par le secteur publicitaire fragilisent les différentes actions du secteur dans ce domaine. Les projets et campagnes d’information ou de sensibilisation pour un usage modéré, responsable et moins précoce de ce produit se heurtent à un raz-de-marée médiatique permanent associant alcool, virilité, sexe facile, élégance,… N’en jetez plus la coupe est pleine !  Il est grand temps d’adopter une réglementation plus contraignante en matière de publicité, et d’œuvrer pour son interdiction complète en matière d’alcool.

Il y a quelques mois, nous avons relayé et soutenu la note du CRIOC , rédigée en collaboration avec le Conseil de la Jeunesse, Univers santé, Question Santé,… En vue de la mise en place d’un Conseil Fédéral de la Publicité. Cet organe devrait permettre un contrôle plus contraignant des annonces diffusées. Nous constatons aujourd’hui qu’une série de valeurs, principes éthiques, objectifs de santé publique… sont régulièrement mis à mal dans les annonces publicitaires. Cela au détriment de la santé publique, de l’éthique, de l’intérêt général, mais pour le plus grand profit mercantile d’une minorité.

Cette initiative a recueilli le soutien de plus 60 associations de la société civile relevant de divers secteurs (éducation, jeunesse, environnement, santé, égalité hommes-femmes, etc.). Le journal Le Soir, via l’agence Belga, a notamment relayé l’information le 17 janvier 2012 en publiant la quasi intégralité du texte des signataires : Pour un contrôle enfin efficace de la publicité. Le jour suivant, le 18 janvier, il titrait : « L’autorégulation, via le JEP, a échoué ». Aux arguments avancés par les 61 associations signataires, le JEP se défend en affirmant travailler en toute indépendance, rappelant sa composition paritaire et son pouvoir contraignant.

Pourquoi le secteur toxicomanies prend-il position sur ce sujet en apparence loin de ses préoccupations? En bref… La consommation inappropriée d’alcool et le tabagisme constituent les deux premières causes de mort évitables en Europe occidentale. Les consommations précoces d’alcool mènent statistiquement à des risques augmentés à l’âge adulte, et les annonces visent particulièrement les publics jeunes. Le budget consacré à la prévention et à la sensibilisation dans le domaine de l’alcool est risible par rapport aux montants publicitaires qui y est consacré. La publicité pour l’alcool annihile, balaie comme des fétus ces actions financées par les pouvoirs publics. Enfin, « last but not least » quel est le sens d’interdire la vente d’alcool aux moins de 16 ans alors que simultanément l’Etat autorise la pub tous azimuts. Que ce soit au ciné, à la T.V, sur internet, sans oublier les promotions plus ou moins déguisées dans les boîtes de nuit ou les manifestations sportives ?  Que va changer la diffusion de notre « effectomètre  » tout juste achevé dans ce contexte ? Il est de notre responsabilité de s’attaquer aux causes et de ne pas traiter uniquement les symptômes. L’Etat considère probablement les recettes générées par ce secteur économique. Une objectivation des coûts sanitaires et sociaux dus à l’abus d’alcool, si l’on arrivait à estimer le prix d’une existence, leur permettrait de se rendre compte que les coûts dépassent largement les recettes générées.

Un journaliste a pris position dans ce débat au travers d’un billet d’humeur (Le Soir du19 janvier), questionnant le bon fonctionnement dont se targue le JEP. Il cherche notamment à comprendre comment il se fait que le Jury considère le spot actuellement diffusé pour une célèbre marque de whisky comme acceptable. On y voit un jeune homme portant juste un kilt, dans son grand château, entouré de quelques magnifiques créatures sensuelles et lascives à souhait. Une plainte a dénoncé ce spot, vu qu’il enfreint clairement le code d’autocontrôle du secteur des alcools qui stipule que « la publicité ne peut pas suggérer que la consommation d’alcool mène à la réussite sociale ou sexuelle« . Mais le Jury estime qu’il n’y a pas d’infraction car on ne voit pas le personnage principal consommer directement de l’alcool… Notre bel écossais en kilt pavanant au milieu de ses trois femmes répondant à tous les canons médiatiques actuels de la beauté continuera donc à être diffusé : « no rules, great money » !

De futures actions de communication dans les médias et à l’attention des décideurs politiques sont prévues prochainement, mais vous pouvez déjà marquer votre soutien à ce combat de David contre Goliath en signant la pétition en ligne : http://10800.lapetition.be