Salle de Consommation : les Pays-Bas consolident, la France avance et la Belgique… bloque ?

Après un accueil très réservé à la proposition de loi, introduite par Willy Demeyer, visant à créer un cadre légal pour permettre la mise en route de salles de consommation à moindre risque et permettre de dispenser des traitements de substitution à la diacétylmorphine (TADAM), la majorité parlementaire a demandé que la Commission Santé de la Chambre rende un avis avant de se prononcer sur cette proposition de loi.

Une trentaine d’acteurs du secteur de la toxicomanie, dont la FEDITO BXL, a publié une carte blanche dans la Libre Belgique le 25 avril 2015, appelant le gouvernement fédéral à dépasser ses craintes et préjugés et de mettre en place une politique basée sur les résultats scientifiques, dans un ensemble cohérents de mesures.

Salles de Consommation pour usagers de drogues : les Pays-Bas consolident, la France avance et la Belgique… bloque ?

Carte blanche publiée dans la Libre Belgique du 25 avril 2015

L’examen récent par la Chambre de la proposition de loi par Willy Demeyer concernant les salles de consommation à moindre risque n’a pas fait long feu. Tout au plus les députés ont-ils avalisé la demande d’un avis à la Commission Santé Publique, sans toutefois aucune audition d’experts. C’est déplorable et certainement dommageable.

Les Pays-Bas, la Suisse, le Luxembourg, l’Espagne… se sont dotés de salles de consommation. La France vient de voter en faveur de leur développement. Le Royaume-Uni se penche sur la question. La Belgique quant à elle bloque, sans analyse et sans avis d’experts.

Les arguments utilisés dans ce premier débat à la chambre (notamment « la mise en place de salles sera perçue comme un moyen de « faciliter l’usage de drogues »») ne tiennent pas compte d’une longue liste de preuves scientifiques et pragmatiques. Celles-ci se basent sur des données provenant des quelque 90 salles en activité dans le monde, un nombre qui ne cesse de croître: les salles de consommation réduisent drastiquement les risques et dommages tant en termes de santé que de sécurité.

Les « salles de consommation » touchent principalement un public d’usagers de drogues par injection souvent en grande précarité, en décrochage social et soumis aux comportements les plus risqués. Une situation qui est problématique pour la personne elle-même comme pour la société dans son ensemble. Cette population particulièrement en danger consomme actuellement dans certains quartiers de Liège,d’Anvers, de Gand, de Charleroi et de Bruxelles, en rue, dans les parcs ou dans le métro. Ces pratiques gênent alors – légitimement – riverains et commerçants. Les salles de consommation offrent l’espace nécessaire à la communauté.

Le dispositif est pleinement pertinent :

  1. Il a un réel impact sur la morbidité liée à l’injection (diminution des abcès, des gangrènes et des coûts de santé liés…) mais aussi sur la mortalité associée aux overdoses (plus de 10 morts évitées par an dans les villes concernées selon une étude en Allemagne).
  2. Selon l’OMS Europe, les salles de consommation ont un effet sur les risques liés à la transmission des maladies virales (VIH/ Hépatite C). Plus de 80% de l’ensemble des nouvelles infections à l’hépatite C en Europe occidentale concernent les usagers injecteurs ce qui pose des défis épidémiologiques majeurs pour la société. Les salles de consommation ont un rôle de première importance, en termes de prévention, de réduction des risques, de dépistage et d’accès aux traitements.
  3. Les salles de consommation contribuent à l’amélioration de l’accès aux soins des usagers de drogues. Elles permettent aux usagers les plus vulnérables de trouver un espace sécurisé et de contact avec des professionnels. Là, il est possible pour les professionnels d’informer le consommateur de drogues, de l’accompagner, de prendre soin de lui et de le référer vers d’autresservices. A Vancouver, par exemple, 18% des usagers de la salle ont commencé un traitement de leur dépendance.
  4. Enfin, les salles de consommation contribuent activement à la réduction
    des nuisances engendrées par les consommations en rue. Et si ces dispositifs renforcent les circuits de soins, ils répondent aussi à des besoins du secteur de la justice. En 2013, 73% des 34 salles de consommations interrogées déclarent que des usagers ont été orientés par des services de police.

Les études démontrent que ce type de dispositif ne conduit pas à une augmentation des personnes qui s’injecte et n’augmentent pas la fréquence de consommation : il est faux de dire que ce dispositif facilite l’usage de drogue. Par contre, il semble avéré qu’il impacte positivement sur les problématiques liées à l’usage de drogues. Ce qui aurait pu être démontré par une audition d’experts ; celle-là même qui a été refusée.

Ces experts auraient pu, par exemple, expliquer comment d’après les résultats des études existantes sur ce type de dispositif le bénéfice est plus important que le coût : un dollar dépensé rapporterait entre 1.5 et 4.2 dollar, étant donné les coûts évités via la salle de consommation.

Nous souhaitons que les échanges en commission de santé publique soient éclairés par des experts pour que le débat soit objectif et posé en dehors des clivages traditionnels et des arguments « moraux » : ce débat doit être à la hauteur des enjeux humains, éthiques, sanitaires et sociaux qui relèvent de cette question.

Le 28 avril prochain aura lieu à Bruxelles une journée thématique sur la question. (Programme accessible sur : http://www.transitasbl.be). Nous y convions les décideurs politiques et la société civile.

Signataires : Centre d’Action Laïque du Luxembourg asbl, Centre Médial Enaden asbl, Le Comptoir asbl, Coordination Locale Drogues Bruxelles (CLDB), DUNE asbl, Ecolo J, Fédération Bruxelloise des Institutions pour Toxicomanes (Fedito Bxl) asbl, Fédération Bruxelloise des employeurs des institutions actives en toxicomanies (FEIAT), Fédération des Maisons Médicales, Fédération des Services Sociaux asbl (FdSS), Fédération Wallonne des Institutions pour Toxicomanes (FEDITO Wallonne) asbl, Fédération Laïque de Centres de Planning Familial, Free Clinic, Infor-Drogues asbl, Instituut voor Sociaal Drugsonderzoek, Maison d’Accueil Socio-Sanitaire de Bruxelles asbl (MASS BXL), Médecins du Monde Belgique, La Liaison Antiprohibitionniste asbl, Le LAMA asbl – Centre médico-social pour Toxicomanes, Modus Vivendi asbl, Réseau ALTO asbl, Réseau Liégeois d’aide et de soins spécialisés en Assuétudes (RéLiA), Réseau Hépatite C asbl, Service L’Echange de l’asbl Namur Entraide Sida, Transit asbl, Univers Santé asbl., Vlaamse Spui
tenruil, Jan Van Bouchaute (Medisch-Sociaal Opvangcentrum, Gent

Toutes les études sont disponibles sur le site www.reductiondesrisques.be