Les anciens présidents de Colombie, du Mexique et de Suisse ainsi que Sir Richard Branson, Paul Volcker, ancien président de la Reserve Fédérale des Etats-Unis et d’autres membres de la Commission globale de politique en matière de drogues appellent à réduire les méfaits causés par les politiques antidrogues actuelles
New York— Jeudi 21 avril, dernier jour de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) sur les drogues, plusieurs membres de la Commission globale de politique en matière de drogues (Global Commission on Drug Policy) tiendront une conférence de presse à New York. La Commission globale évaluera les conclusions de la réunion de l’ONU et appellera à la mise en place de mesures concrètes pour reformer les politiques antidrogues dans les années à venir. Cette UNGASS, qui se tient à New York du 19 au 21 avril, est la première du genre depuis 18 ans.
« De manière générale, nous dépensons énormément d’argent et des ressources précieuses à criminaliser les gens et à les mettre en prison, alors que nous devrions dépenser cet argent à aider les gens, notamment à travers des programmes sanitaires et éducatifs » a réagi Sir Richard Branson, membre de la Commission globale. « De la perspective d’un investisseur, la guerre aux drogues n’a pas produit de retour sur investissement. Si c’était une de mes affaires, je l’aurai fermée il y a déjà plusieurs années ».
Membre de la Commission globale et ancienne présidente de la Suisse, Ruth Dreifuss a également relevé que « plusieurs pays adoptent déjà, de manière satisfaisante et réussie, des mesures de réduction des risques et des stratégies de traitement telles que l’échange de seringues, les thérapies de substitution, la prescription d’héroïne médicale et les salles de consommation supervisées ». Elle note également que « ces efforts peuvent donner de meilleurs résultats, mais les gouvernements doivent décriminaliser l’usage personnel des drogues avant ».
QUOI : Conférence de presse avec des leaders mondiaux membres de la Commission globale de politique en matière de drogues. Retransmission en direct sur ce lien.
QUAND : Jeudi 21 avril à 8:30 heure de New York / 14:30 heure de Bruxelles.
LIEU : Grand Hyatt New York, 109 E 42nd St, New York, 10017, Salles “Alvin + Carnegie” ou en retransmission directe sur internet
QUI :
- Ruth Dreifuss, ancienne présidente de Suisse
- Ernesto Zedillo, ancien président du Mexique
- César Gaviria Trujillo, ancient président de Colombie
- Richard Branson, entrepreneur, fondateur du groupe Virgin, co-fondateur de The Elders, Royaume-Uni
- Paul Volcker, ancien président de la Reserve Fédérale des Etats-Unis
- Louise Arbour, ancienne Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, Canada
- Michel Kazatchkine, ancien Directeur exécutif du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, France
- Nick Clegg, ancien Vice-Premier ministre du Royaume-Uni
- Pavel Bém, ancien maire de Prague, République Tchèque
La Commission globale exhorte l’ONU et ses Etats membres à adopter une approche basée sur les personnes lorsqu’il s’agit de politique en matière de drogues. Ceci se traduit par la priorité donnée à la santé, la sécurité et les droits de l’Homme de chacun. S’inspirant de politiques publiques réussies partout dans le monde, la Commission globale appelle les gouvernements à :
- Mettre une fin à la criminalisation et l’incarcération des usagers de drogues ;
- Abolir la peine de mort pour les crimes et délits liés aux drogues ;
- Soutenir l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) afin de revoir le système de mise sous contrôle des drogues sur une base scientifique ;
- S’assurer de la mise en place d’un large spectre de services de traitement et de réduction des risques pour les personnes dépendantes ;
- Développer, tester et mettre en place des mesures de régulation des drogues afin de maximiser les bienfaits sur la santé individuelle et publique, et de fragiliser le crime organisé.
La Commission globale constate que le système international de contrôle des drogues a échoué à atteindre ses objectifs d’origine (et irréalistes), à savoir l’éradication de la production et de la consommation de drogues. Ce même système a également produit des effets négatifs alarmants qu’il s’agisse de problèmes sanitaires, économiques, sociaux ou politiques, partout dans le monde. Comme l’ont noté les membres de la Commission globale et anciens présidents du Brésil, du Mexique et de la Colombie dans une tribune du Los Angeles Times « les politiques antidrogues dépassées, à travers le monde, ont permis une envolée de la violence liée au marché des drogues, une sur-sollicitation des systèmes de justice criminelle, la banalisation de la corruption et la mutilation des institutions démocratiques ».
Les deux dernières décennies ont vu plusieurs pays traiter la question du contrôle des drogues de manière unilatérale. Par exemple, la Suisse a ouvert les premières salles de consommation supervisées et a mis en place un système d’héroïne médicale afin de permettre à ses usagers de profiter d’une meilleure qualité de vie. Le Portugal a décriminalisé toutes les drogues en 2001, avec des résultats probants lorsqu’il s’agit de la prévention de crimes ou de la réduction d’infections à VIH. Les « cannabis clubs » se multiplient en Espagne, et l’Uruguay est le premier pays au monde à réguler son marché du cannabis de la production jusqu’à la vente.
Dans le même temps, les Etats-Unis expérimentent différents modèles de régulation du cannabis. 23 Etats et la capitale Washington D.C. ont déjà régulé le cannabis pour des raisons médicales, et quatre Etats et Washington D.C ont régulé le cannabis pour usage récréatif. Il y a en ce moment un débat entre les élus, incluant le président Barack Obama, sur la manière dont les politiques antidrogues peuvent être transformées afin de réduire l’incarcération de masse dans le pays. Qui plus est, le Canada et le Mexique explorent également des pistes afin de réguler les usages médical et récréatif du cannabis, en partie poussés par le niveau élevé de violence et des opinions publiques favorables.
La Commission Globale de Politiques en matière de drogues
La Commission globale de politique en matière de drogues a été créée en 2010 par des responsables politiques, des personnalités du monde culturel et de la sphère économique et financière. Elle compte 23 membres, dont 9 anciens chefs d’État ou de gouvernement de la Suisse, du Portugal, de la Pologne, de la Grèce, du Royaume Uni, du Nigeria, du Brésil, de Colombie, du Chili et du Mexique, ainsi que l’ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan. La Commission globale compte dans ses membres également l’ancien secrétaire d’Etat américain George Shultz, l’entrepreneur Sir Richard Branson, l’ancienne Haut-Commissaire aux droits de l’Homme Louise Arbour, ainsi que des membres imminents de la République Tchèque, d’Inde, de Norvège, du Pakistan et du Pérou.
La Commission globale a fait la Une en 2011 avec son premier rapport et son soutien à la décriminalisation. En 2014, la Commission globale a publié un rapport qui donne cinq voies efficaces pour réformer les politiques en matière de drogues, incluant la réduction des risques, un accès équitable aux médicaments essentiels sous contrôle, la décriminalisation des personnes possédant ou consommant de la drogue, des alternatives à l’incarcération, et la régulation des marchés de drogues illicites. Depuis sa création, la Commission globale a produits cinq rapports et trois films reconnus mondialement.
Journalistes
Plus d’informations sur la UNGASS 2016 et la Commission globale de politique en matière de drogues peuvent être trouvées sur ce lien.
Autres citations des membres de la Commission globale de politique en matière de drogues :
« Nous sommes guidés par un sens d’urgence” a réagi Fernando Henrique Cardoso, ancien président du Brésil et président de la Commission globale. « le système actuel ne fonctionne pas et le changement est non seulement nécessaire mais il est en marche partout dans le monde ». Il a ajouté que « les gouvernements doivent reconnaitre la concentration erronée de leurs efforts sur le ‘problème des drogues’ au lieu de la manière ‘problématique’ dont ils gèrent les drogues, sinon la santé, les droits de l’Homme et le bien-être de l’humanité en souffriront ».
« Je crois que les drogues ont détruit plusieurs vies, mais de mauvaises politiques publiques en ont détruit bien plus » s’est exprimé Kofi Annan, président de la Fondation Kofi Annan et organisateur de la Commission Ouest-africaine sur les drogues. « La criminalisation et la punition des personnes usagères des drogues, les prisons surchargées, veulent dire que la guerre aux drogues est, d’une manière significative, une guerre contre les usagers des drogues – une guerre contre les gens. La prohibition a eu un impact limité sur la demande et l’offre des drogues ».
« Les approches basées sur la santé sont généralement moins chères et plus efficaces que la criminalisation et l’incarcération » s’est ainsi exprimé l’ancien président du Mexique, Ernesto Zedillo. « La décriminalisation de la consommation des drogues est certainement cruciale mais insuffisante. D’importantes réformes institutionnelles, tant au niveau national qu’international, sont nécessaires pour permettre aux gouvernements et aux sociétés de mettre en place des politiques publiques pour réguler l’offre des drogues avec des critères rigoureux. Ceci représente la seule manière efficace pour riposter aux criminels qui profitent du trafic des drogues ».
« La réduction des risques, le traitement et la prévention représentent seulement la moitié du chemin pour gérer les drogues de manière responsable dans nos sociétés », selon Ruth Dreifuss, ancienne présidente de Suisse. « Réguler toute la chaine, de la production à la vente, permet de prendre le marché aux organisations criminelles, de s’assurer de la qualité et de protéger la vie, la santé et la sécurité de tous ».
« Le temps est venu pour la communauté internationale de reconnaitre l’évidence, d’appeler de ses voeux et de mettre en place des stratégies de réduction des risques basées sur l’évidence scientifique. Intensifier ces programmes là où ils n’existent pas et les mettre ou ne sont pas mis en place de manière large est un impératif de santé publique », s’est ainsi exprimé Michel Kazatchkine, qui est également l’Envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies pour le VIH/sida en Europe de l’Est et en Asie Centrale.