Rapport européen sur les drogues 2018

Dans son Rapport européen sur les drogues 2018: tendances et évolutions aujourd’hui rendu public depuis Bruxelles ce 7 juin 2018, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) souligne la disponibilité accrue de la cocaïne. Cette évolution s’inscrit dans le contexte d’un marché des drogues dynamique s’adaptant rapidement aux mesures de contrôle des drogues. Dans son analyse annuelle, l’agence se penche également sur les défis liés aux nouvelles substances psychoactives, comme la disponibilité de nouveaux opioïdes de synthèse (en particulier de dérivés très puissants du fentanyl), et les problèmes associés à l’usage de cannabinoïdes de synthèse dans des groupes marginalisés (notamment la population carcérale).

Le rapport de l’EMCDDA souligne que la disponibilité des drogues est globalement élevée et semble s’accroître dans certaines régions. Selon les derniers chiffres, en Europe (UE à 28, Turquie et Norvège), plus d’un million de saisies de drogues illicites ont été signalées en 2016. Plus de 92 millions d’adultes de l’Union européenne (de 15 à 64 ans) ont déjà expérimenté une drogue illicite au cours de leur vie et, selon les estimations, 1,3 million de personnes ont reçu un traitement pour consommation de drogue illicite en 2016 (UE à 28).

Dimitris Avramopoulos, commissaire européen chargé de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté, déclare: «Nous observons actuellement en Europe un accroissement de la production et de la disponibilité des drogues. Par ailleurs, le marché des drogues illicites est très dynamique et flexible — et dès lors d’autant plus dangereux. Si nous voulons garder une longueur d’avance, nos efforts doivent se concentrer sur l’accroissement de la résilience et de la réactivité, ne serait-ce qu’en raison de l’importance grandissante du marché en ligne et du développement de nouveaux types de drogues. Grâce à l’entrée en vigueur de nouvelles règles en matière de nouvelles substances psychoactives à la fin de cette année, l’Europe disposera d’outils supplémentaires et renforcés afin de s’attaquer aux problèmes de manière plus efficace et de mieux protéger les citoyens européens contre les drogues dangereuses».

Cocaïne: disponibilité accrue et degré de pureté record de la décennie

La cocaïne est le stimulant illicite le plus consommé en Europe. Environ 2,3 millions de jeunes adultes (âgés de 15 à 34 ans) ont consommé cette substance au cours de l’année écoulée (UE à 28).

Au niveau des villes, une étude récente menée sur les résidus de drogues prélevés dans les eaux usées municipales a révélé qu’entre 2015 et 2017, une augmentation des résidus de cocaïne a été observée 3 dans 26 des 31 villes qui disposaient de données pour cette période. Les traces les plus élevées ont notamment été enregistrées en Belgique.

Signes de la hausse de la production de drogues en Europe

Le rapport publié ce jour met également en évidence le rôle de l’Europe en tant que région de production: «Nous observons cette année, pour une vaste gamme de substances, les signes inquiétants d’une augmentation de la production de drogue qui a désormais lieu en Europe».

Cannabis: sa disponibilité et sa consommation demeurent élevées et l’évolution des politiques internationales peut présenter des défis pour l’Europe

Le cannabis reste la drogue illicite la plus couramment consommée en Europe: sa prédominance ressort clairement des données relatives à la prévalence, aux infractions liées à la drogue, aux saisies et aux nouvelles demandes de traitement. Quelque 17,2 millions de jeunes Européens (âgés de 15 à 34 ans) ont consommé du cannabis au cours de l’année écoulée (UE à 28) et environ 1 % des adultes européens (âgés de 15 à 64 ans) en consomment quotidiennement ou presque (UE à 28).

Le cannabis était impliqué dans plus des trois quarts (77 %) des 800 000 infractions de consommation ou de possession de drogues signalées dans l’Union européenne en 2016 pour lesquelles la drogue posant le plus de problèmes est connue (graphique 1.14). Il s’agit également de la drogue la plus fréquemment saisie, avec 763 000 saisies de produits dérivés du cannabis signalées dans l’UE en 2016.

Moins de nouvelles substances psychoactives détectées, mais davantage de preuves de leurs dangers

Les nouvelles substances psychoactives (ou «nouvelles drogues») continuent de représenter un défi considérable pour la politique et la santé publique en Europe. Ne faisant pas l’objet de mesures de contrôle internationales, elles comprennent une variété de substances, dont les cannabinoïdes, les opioïdes, les cathinones et les benzodiazépines de synthèse (graphique 1.10). En 2017, 51 nouvelles substances psychoactives ont été signalées pour la première fois au moyen du système d’alerte précoce de l’Union européenne (EWS), à raison d’environ une substance par semaine.

De nouveaux opioïdes de synthèse à forte teneur en principe actif (en particulier des dérivés du fentanyl), qui imitent les effets des opiacés dérivés de substance naturelle (comme l’héroïne et la morphine), sont de plus en plus souvent détectés. Ils sont parfois disponibles sous de nouvelles formes (par exemple des pulvérisateurs nasaux), vendus comme des drogues illicites, ou combinées à celles-ci (comme l’héroïne ou la cocaïne). Au total, 38 nouveaux opioïdes de synthèse ont été détectés sur le marché européen des drogues depuis 2009 (13 en 2017). Les dérivés du fentanyl, fortement impliqués dans la crise américaine actuelle des opioïdes, nécessitent une préoccupation et une vigilance constantes en Europe. Ces substances, parfois beaucoup plus puissantes que la morphine, représentaient plus de 70 % des 1 600 saisies estimées de nouveaux opioïdes de synthèse signalées en 2016. Dix nouveaux dérivés du fentanyl ont été signalés via l’EWS en 2017, dont cinq ont fait l’objet d’une évaluation des risques (acryloylfentanyl, furanylfentanyl,  4-fluoroisobutyrylfentanyl, tétrahydrofuranylfentanyl et carfentanil).

Prisons: point sur la santé et nouvelles drogues

Les prisons constituent un volet important en matière de besoin de santé des consommateurs de drogues et la prise en considération de cette question peut bénéficier à la collectivité (par exemple en évitant les décès par surdose à la sortie de prison ainsi qu’en réduisant la transmission de maladies infectieuses associées aux drogues comme le VIH et le VHC). Le rapport de cette année met en évidence les possibilités d’intervenir dans ce contexte et attire l’attention sur la variabilité nationale de la fourniture de services

Ventes en ligne et émergence de nouvelles benzodiazépines

Bien que, en termes de volume, les marchés des drogues hors ligne traditionnels restent prédominants, les marchés en ligne semblent gagner du terrain, constituant ainsi un nouveau défi en matière de mesures de contrôle des drogues. Une récente étude menée par l’EMCDDA et Europol a répertorié plus de 100 sites mondiaux sur le dark net, sur lesquels près de deux tiers des achats concernaient des drogues. Le web de surface et les médias sociaux semblent également gagner en importance, en particulier en ce qui concerne l’approvisionnement en nouvelles substances psychoactives et l’accès à des médicaments dont l’usage est détourné.

Augmentation des décès par surdose et rôle de la naloxone dans la prévention

Le rapport met en évidence le nombre élevé et préoccupant de décès par surdose en Europe, en hausse au cours des quatre dernières années. Selon les estimations, plus de 9 000 décès par surdose, principalement dus à l’héroïne et à d’autres opioïdes — bien que souvent combinés à d’autres substances, en particulier l’alcool et les benzodiazépines — auraient été observés en Europe en 2016 (UE à 28, Turquie et Norvège).

Les défis posés par les anciens et les nouveaux opioïdes concentrent à nouveau l’attention sur le rôle de la naloxone, antidote aux opioïdes, dans les stratégies de réponse aux surdoses ( ). Le rapport souligne l’urgence de réviser les politiques en vigueur relatives à la naloxone et d’accroître la formation ainsi que la sensibilisation à la fois des usagers et des professionnels susceptibles d’être en contact avec ces produits.

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