Édito septembre 2018 | En Belgique, plus personne ne l’ignore : Liège ouvre sa salle de consommation à moindre risque, et Bruxelles promet la sienne, si du moins les résultats des élections communales vont en ce sens. Les autorités régionales wallonnes et bruxelloises avaient déjà marqué leurs soutiens explicites. Le niveau fédéral, lui, est resté butté sur sa loi – presque centenaire – de 1921, et sur un positionnement intenable et à l’opposé de l’évidence scientifique et des expériences menées notamment dans tous nos pays voisins.
On annonce pour octobre un éventuel vote sur la proposition de loi De Meyer autorisant les SCMR… Très bien, mais peu importe : l’histoire retiendra que la première d’entre-elles était hors-la-loi. Tout comme l’étaient les premiers traitements de substitution. En matière de drogues, en Belgique, la santé semble devoir avancer par des actes de désobéissance.
Désobéissance politique dans le cas de la SCMR liégeoise, puisque hors de la loi de 1921, et ce même si le partage des compétences permet des aménagements, des accommodements, et des compétences implicites. Il est indubitable que les entités fédérées et locales ne peuvent répondre à leurs missions de santé, de sécurité et de salubrité, dans le cadre dépassé de la loi fédérale de 1921. D’après divers constitutionnalistes, elles ont alors les compétences implicites pour mettre en place des salles de consommation à moindre risque, malgré le désaccord du fédéral… Reste à voir si ces compétences implicites ne deviendront pas la règle dans notre fédéralisme de déconstruction…
Désobéissance civile, ensuite, puisque là où n’émergent pas de SCMR officielles, émergent tôt ou tard des lieux de consommation, supervisés par des professionnels, mais pleinement informels et clandestins. On l’a dit, déjà en 2016, publiquement et directement à un haut représentant du SPF Justice : à refuser les salles de consommation à moindre risque, le niveau fédéral allait tôt ou tard se confronter à des actes de désobéissance. La patience avait ses limites…
La patience est vertueuse, mais une génération est passée depuis les premières revendications de lieux d’accueil novateurs. Si une première SCMR s’ouvre désormais à Liège, c’est clairement grâce aux autorités locales, mais c’est aussi grâce à tous ceux qui ont soutenu le dispositif, depuis toutes ces années. Cette victoire est aussi celle des premiers militants de la réduction des risques, des usagers prenant part aux débats publics, des Citoyens Comme Les Autres, des signataires de pétitions et de cartes blanches, des journalistes engagés, des médecins dont ceux de l’Académie Royale, des experts de santé publique dont ceux de l’EMCDDA, des hommes et femmes politiques courageux…
Il n’aurait dû falloir que cinq minutes de courage politique ; il en aura fallu vingt-cinq ans. C’est le temps long de la militance. C’est la longue chaîne de sensibilisations, d’explications, et d’actions diverses. C’est la longue liste de centaines d’acteurs ayant participé à cette avancée.
Bravo à Liège, mais aussi bravo à tous. C’est un hommage, au « quidam » et au « bekende », aux professionnels et aux militants, aux morts et aux bien vivants.
Sébastien ALEXANDRE
Directeur
FEDITO BXL asbl