Édito février 2019 | Depuis plusieurs années, l’Amérique du Nord est la proie d’une crise d’overdoses, culminant à plus de 72 000 décès en 2017, près du double du nombre d’accidentés de la route.
L’échelle est bien différente en Union Européenne, puisque les overdoses ont culminé à 7929 décès pour l’année 2016 (9138 en incluant la Turquie et la Norvège), ce qui peut être expliqué par des prescriptions d’opioïdes moins répandues et par l’existence d’un important dispositif de réduction des risques et de traitements de substitution. Néanmoins, la tendance est inquiétante (voir ici et là) : ces overdoses croissent depuis quatre années consécutives et l’observatoire européen souligne que « de nouveaux opioïdes représentent une grave menace pour la santé individuelle comme pour la santé publique en général » (EMCDDA, Rapport européen sur les drogues, 2018). Par ailleurs, il est notoire que les overdoses mortelles sont l’objet d’une sous-estimation structurelle, en ce compris en Belgique.
Notre pays se distingue de nombreux États européens, notamment par le fait que le seul antidote aux overdoses opiacées (la naloxone) y reste difficile d’accès : son prix (47 € pour le Naloxon Braun, seul produit effectivement sur le marché actuellement) et sa délivrance uniquement sous prescription et uniquement sous forme injectable (alors qu’elle existe sous forme de spray nasal), rendent son usage complexe, et ce malgré son intérêt en termes de santé publique.
Concernant les infections liées aux drogues, si nous pouvons réellement nous réjouir du projet d’élargir l’accès au traitement de l’hépatite C à tous les stades de la maladie, il reste encore de nombreux défis à relever du côté de la prévention, du dépistage et de l’accès effectif aux traitements. Malgré les difficultés d’estimations, de nombreuses études ont démontré que les taux de prévalence de l’hépatite C peuvent monter à près de 85 % parmi certaines cohortes d’injecteurs de drogues, l’injection restant le facteur principal de contraction du virus. Quant à l’infection au VIH, si elle semble être maîtrisée, elle est loin d’être éradiquée et appelle en fait constamment à la vigilance.
De nombreux outils existent désormais, pour diagnostiquer rapidement les maladies infectieuses. Encore faut-il les rendre accessibles et en optimiser l’usage : pour le moment, en Belgique, le diagnostic démédicalisé n’est légal que pour le VIH, pas pour les hépatites B ni C.
Il y a donc clairement, de la part du politique, des décisions qui doivent être prises. On ne parlera même pas de courage politique, puisqu’il ne s’agit que de légaliser et rendre accessibles des antidote et outils de dépistage. On parlera simplement de bon sens politique, visant à davantage de santé publique, pour les usagers de drogues et la société en général.
Mais il y a aussi, de la part des professionnels de terrain, de nouvelles pratiques à développer.
Ainsi, ne serait-il pas pertinent qu’un médecin puisse prescrire de la naloxone en spray nasal et que le pharmacien s’approvisionne sur le marché européen, en toute légalité ?
Ainsi, la même naloxone ne devrait-elle pas être disponible dans tout centre spécialisé comme dans tout hôpital, ou encore dans toute prison ou tout autre lieu où résident des personnes potentiellement usagères d’opiacés ?
Cette mise à disposition ne devrait-elle pas être encore accentuée au sein des centres résidentiels, sachant que les « sorties » peuvent être l’occasion de consommations encore plus dangereuses après une période d’abstinence ?
Tout centre spécialisé, comme tout hôpital, toute prison, ne devraient-ils pas mettre en place un programme structurel de dépistage et de traitement des infections liées à l’usage de drogues ?
Il est désormais temps d’amener des réponses structurelles à ces questions, tous autant que nous sommes, et quels que soient les lieux de nos implications : en comptoirs d’échange de seringues, en centres à bas seuil d’accès, en communautés thérapeutiques, en prisons, en maisons médicales, etc.
En tout lieu où nous rencontrons des personnes à risque d’overdoses et d’infections.
C’est-à-dire en tout lieu où nous rencontrons des usagers de drogues.
Réduire leurs décès, réduire leurs infections, est un de nos devoirs communs de santé publique.
Rendez-vous à « Drugs in Brussels 2019 » pour bien davantage d’informations, de réflexions et d’engagements.
Sébastien Alexandre, Directeur, FEDITO BXL asbl
La FEDITO BXL asbl, Fédération bruxelloises des institutions pour toxicomanes, a le plaisir de vous accueillir jeudi 21 février 2019 pour sa journée d’étude annuelle « Drugs in Brussels ». La thématique de cette édition : Réduire les décès, limiter les infections, traiter les maladies infectieuses. Nous aborderons notamment la question de la naloxone*, des TRODs (Tests Rapides à Orientation Diagnostique), de l’outreach et des nouveaux médicaments : comment utiliser les nouveaux outils et développer les nouvelles pratiques.
Info, programme et inscription : http://fedabxl.be/DiB2019/