La procédure de transaction pénale permet au ministère public de proposer à une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction de payer une somme d’argent pour mettre fin aux poursuites. D’abord une procédure marginale, elle est devenue centrale dans la répression des « infractions Covid » entre 2020 et 2022. Suivant une tendance européenne, la Belgique s’engage sur la voie d’une extension de ce mécanisme, et prévoit même la possibilité pour la police de proposer ce type de « deal ». Que nous dit cette procédure de notre système pénal, de ses fondements et de ses perspectives ?
(…) La délégation du pouvoir de sanction va encore plus loin avec la transaction pénale immédiate. Ce n’est plus le ministère public, mais la police, qui peut maintenant proposer le paiement d’une somme d’argent à une personne suspectée d’avoir commis une infraction, moyennant reconnaissance préalable de sa part. (…)
La police est à la fois chargée de constater, de poursuivre, de juger et d’infliger une sanction, au mépris du principe de séparation des pouvoirs. De plus, il est prévu que la procédure s’applique pour les « infractions qui sont établies », et pour lesquelles « il n’y a donc que peu ou pas d’interprétation possible ». La formule n’exclut donc pas une certaine marge d’interprétation, dont l’appréciation est laissée à la police. (…)
La transaction immédiate va-t-elle mettre fin à la consommation de drogues dans l’espace public ? On peut parier que non. Dans les cas de consommation problématique, l’enjeu relève davantage d’une question sociale et de santé publique que de répression. L’augmentation de la consommation de crack ces dernières années le montre à suffisance. La sanction sera aussi probablement sans grand effet sur la consommation récréative, qui a existé de tous temps et cèdera difficilement face à une sanction pécuniaire. La répression accrue peut même se révéler dangereuse, comme cela a pu être constaté pendant les festivals lors desquels la transaction immédiate a fait son apparition. Les consommatrices et consommateurs sont en effet amenés à prendre plus de risques pour cacher leurs doses et, en cas d’abus de substances, vont être plus hésitants à se confier aux services de prévention et de réduction des risques présents lors de ces évènements. (…)
Lire l’article de Diletta Tatti, « La transaction pénale (immédiate) : comment et pourquoi punir ? », publié dans le numéro 123 de Bruxelles Laïque Echos, intitulé « NORMER & PUNIR » (hivers 2023)