Communiqué de presse du Conseil Supérieur de la Santé : L’alcool nuit à la santé

Chaque goutte d’alcool augmente le risque de maladies graves. Pourtant, le public reste largement inconscient de ces risques. L’industrie de l’alcool investit massivement dans l’image positive de la consommation d’alcool, favorisant ainsi sa survalorisation sociale. L’impact est particulièrement important chez les jeunes, naturellement plus vulnérables. Pour réduire les méfaits de l’alcool, le Conseil Supérieur de la Santé recommande de :

  1. Interdire le marketing et la publicité pour l’alcool et, en attendant, imposer des règles temporaires sur la fréquence, le lieu et les messages autorisés
  2. Exiger des messages d’avertissement corrects et des informations claires sur les étiquettes
  3. Relever l’âge minimum à 18 ans pour toutes les boissons alcoolisées
  4. Imposer un prix minimum par unité d’alcool

Le nouveau projet de loi approuvé par la Chambre ce mois-ci ne va pas assez loin pour le Conseil Supérieur de la Santé. L’efficacité de ces mesures repose sur des bases scientifiques et profitera à la société dans son ensemble.

Il n’y a pas de niveau de consommation d’alcool sans risque

L’impact négatif de l’alcool sur la santé a été largement démontré. En janvier 2023, l’Organisation Mondiale de la Santé a conclu qu’il n’existe pas de niveau de consommation d’alcool sans danger pour la santé. Même une consommation légère ou modérée augmente le risque de maladies graves. L’alcool perturbe le sommeil, affecte le comportement, interfère avec le développement du cerveau et provoque de nombreux problèmes de santé mentale et physique. La consommation d’alcool est responsable de plus de 200 maladies, dont plusieurs cancers.

Des messages honnêtes

Le Conseil Supérieur de la Santé constate que les risques liés à la consommation d’alcool sont mal connus dans notre société. Pour que la population puisse faire un choix éclairé, il faut que des informations correctes et claires circulent mieux. Les slogans utilisés actuellement par l’industrie n’insistent pas assez sur les dangers inhérents à la consommation d’alcool et entretiennent même la confusion. En raison de conflits d’intérêts évidents, le Conseil Supérieur de la Santé insiste aussi pour que l’industrie n’ait pas sa place dans l’élaboration de la politique en matière d’alcool.

En fait, le Conseil Supérieur de la Santé préconise depuis 2018 une interdiction générale du marketing et de la publicité pour l’alcool. C’est la méthode la plus efficace pour réduire les dommages liés à la consommation d’alcool. Le fait est que nous sommes tous fortement exposés à la publicité pour l’alcool, parfois consciemment, mais le plus souvent inconsciemment. Cette influence est omniprésente dans tous les contextes, même sur les non-consommateurs comme les enfants ou les personnes abstinentes. Pensez également au sponsoring lors de rencontres sportives ou au placement de produits à la télévision, par exemple. Cette exposition n’influence pas seulement notre comportement, mais contribue également à accroître l’acceptation générale de la consommation d’alcool dans la société. De plus, les groupes de population particulièrement vulnérables, tels que les personnes souffrant de dépendances et les jeunes, ont encore plus de difficultés à y résister (pour des raisons neurobiologiques).

Tant que la publicité reste autorisée, il faut introduire des restrictions légales, tant en termes de volume que de contenu et de manière. En effet, l’alcool n’est pas un produit de consommation ordinaire. Sa consommation comporte des risques importants pour la santé. Pour sensibiliser à ces risques, le Conseil Supérieur de la Santé préconise d’ajouter des messages d’avertissement sur tous les supports de marketing et de publicité. Les différents effets physiques et mentaux, à court et à long terme, de la consommation d’alcool doivent être déclinés en plusieurs messages brefs et clairs, à utiliser en alternance. Pour attirer l’attention des consommateurs, ces messages doivent être formulés sous la forme d’une question et d’un appel à l’action. Par exemple : « Vous préférez être bien reposé ? L’alcool perturbe votre sommeil. Buvez le moins d’alcool possible. »

Le Conseil recommande de faire figurer ces avertissements sur l’étiquette de manière à ce qu’ils soient clairement visibles au moment de l’achat. Les informations obligatoires sur les étiquettes doivent également inclure le nombre de verres standard que contient l’emballage, la valeur nutritionnelle/énergétique et l’âge minimum légal pour consommer le produit concerné (si celui-ci est augmenté à 18+ pour toutes les boissons alcoolisées). Enfin, il faut renvoyer à un site web contenant plus d’informations sur la base scientifique de ces messages et une orientation vers des services d’aide.

Eduquer aux conséquences de l’alcool dès le plus jeune âge

Les adolescents constituent un groupe particulièrement vulnérable. Pendant la puberté, le cerveau est en pleine croissance. La consommation d’alcool à un jeune âge perturbe donc le développement normal du cerveau et augmente le risque de dépendance. L’adoption d’habitudes de vie malsaines à un jeune âge se poursuit souvent tout au long de la vie adulte. Pourtant, de nombreux jeunes consomment leur première boisson alcoolisée au début de l’adolescence (entre 14 et 15 ans en moyenne). Bien que la consommation d’alcool chez les jeunes en général ait clairement diminué ces dernières années, les comportements de consommation à risque (notamment le binge drinking) sont toujours populaires chez les jeunes belges.

C’est pourquoi le Conseil Supérieur de la Santé réitère sa recommandation de 2018 d’augmenter la limite d’âge pour toutes les boissons alcoolisées (y compris la bière et le vin) à 18 ans. La Belgique est l’un des rares pays européens à garder cette limite d’âge de 16 ans pour une partie des boissons alcoolisées. Le relèvement de l’âge minimum a des effets positifs évidents sur la santé et envoie un message fort à la population. En outre, le relèvement de l’âge minimum semble bénéficier d’un large soutien de l’opinion publique belge. 77,5 % des flamands (Baromètre de prévention Sciensano, 2022) et 68 % des Belges francophones (Enquête Tournée Minérale, 2023) sont favorables à cette mesure.

La vérification de l’application réelle de la loi sur le terrain est un aspect crucial de la problématique. Actuellement, 9 commerçants sur 10 ne respectent pas la législation en vigueur concernant la vente d’alcool aux mineurs. Cette situation doit s’améliorer. Une surveillance accrue et de meilleures pratiques d’application de la loi peuvent y contribuer.

Le Conseil propose une approche intégrée qui non seulement sensibilise les jeunes, mais dans laquelle les parents, les écoles, les professionnels de la santé, les associations sportives, les commerçants et le secteur Horeca et la société dans son ensemble reconnaissent également le problème de la consommation d’alcool chez les jeunes et contribuent à le combattre.

Une politique de prix réfléchie

Enfin, le Conseil Supérieur de la Santé demande à nouveau l’introduction d’une législation sur les prix. Le Conseil est favorable à un prix minimum par unité d’alcool. Cela consiste à établir un prix plancher par dose d’alcool (10 grammes d’éthanol) vendu dans le commerce, sous lequel il serait interdit de descendre. Cela permet surtout de garantir que les boissons alcoolisées bon marché deviennent plus chères, réduisant la disponibilité de l’alcool à un prix trop bas. Des exemples étrangers ont montré que les producteurs locaux d’alcool et le secteur Horeca ne sont pas affectés par l’établissement de ce prix minimum, contrairement à une politique des prix basée sur une hausse généralisée des taxes liées à l’alcool. Les effets d’un prix minimum par unité d’alcool sont positifs pour les consommateurs les plus à risque (les jeunes et les gros buveurs). En outre, le Conseil préconise d’interdire les offres gratuites ou les fortes réductions de prix sur les boissons alcoolisées.

Liens utiles