Eurotox • Bulletin législatif et politique 2024 : Wallonie et Bruxelles

Eurotox, Observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues en Wallonie et à Bruxelles, vient de publier son bulletin législatif et politique 2024 en version bruxelloise et en version wallonne.

Ce bulletin vise à fournir une information plus accessible et actualisée des évolutions législatives et politiques en lien avec l’usage de drogues. Cet état des lieux se structure autour des différents niveaux de gouvernance et de compétences : l’international et l’Europe, la Belgique, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région. Il favorise un ancrage et un éclairage réglementaire et organisationnel du phénomène en Wallonie et à Bruxelles.

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Bulletin législatif et politique 2024 – Bruxelles

Bulletin législatif et politique 2024 – Wallonie

Extrait

Perspectives

La prohibition et ses outils ont un coût élevé. Le financement des structures policières, carcérales et judiciaires représente une part importante des dépenses publiques en matière de drogue en Europe (entre 40 et 70 % selon le pays). Autrement dit, dans la plupart des pays européens, la part dédiée à la réduction de l’offre dépasse largement celle visant à réduire la demande (Pompidou Group, 2017 ; Open Society Foundations, 2016). Depuis 2012, la Belgique consacre une part de plus en plus importante des dépenses publiques «drogues» au pilier sécurité, pour atteindre 48 % en 2021. La part dédiée à la prévention et à la réduction des risques reste résolument dérisoire et a connu une diminution pour arriver respectivement à 0,84 % et 0,23 % en 2021 (voir point 3.2).Dans un contexte prohibitionniste, la part belle des financements revient donc aux instances de contrôle et de répression. Au contraire, les dispositifs de réduction de la demande (prévention, réduction des risques et traitements adaptés) sont sous-investis, et ce, bien qu’ils comportent des avantages financiers et sanitaires non-négligeables (Open Society Foundations, 2016). Ce déséquilibre se traduit par un impact délétère de la politique actuelle sur la santé et l’intégration sociale des usager·es.

L’approche répressive est de plus en plus débattue. Son coût élevé et son rapport coût-efficacité défavorable ne penchent évidemment pas en sa faveur. Une évaluation objective et complète des politiques prohibitionnistes requiert de tenir compte à la fois des coûts directs, des coûts indirects (c’est-à-dire la perte de productivité), et des coûts intangibles (c’est-à-dire les souffrances humaines, la perte d’années de vie en bonne santé, etc.) qu’elles impliquent. Les politiques de contrôle des drogues ont en effet des conséquences sanitaires, sociales et sécuritaires imprévues dont il faut tenir compte (Régny, Stévenot & Hogge, 2023) et qui absorbent de larges proportions de ressources humaines et économiques. Parallèlement, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer l’incompatibilité de l’approche répressive avec le respect des principes fondamentaux partagés par les sociétés démocratiques, notamment les droits humains (Pompidou Group, 2017 ; Global Commission on Drugs, 2017).

En Belgique francophone, les différents partis politiques semblent s’accorder à renforcer la prévention (Szoc, 2024). Les positionnements majoritairement convergents et compatibles devraient permettre d’initier des programmes ambitieux tant au niveau régional que communautaire en phase avec les demandes du secteur, telles que relayées par la plateforme Agir en prévention (De Crombrugghe, 2024). Néanmoins, ces perspectives se retrouvent confrontées à deux obstacles pour cette législature à venir. D’une part, la situation budgétaire pour le moins délicate des Régions bruxelloise et wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, risquent de laisser peu de place au refinancement de la prévention, sans un changement profond de paradigme. D’autre part, le manque de mise en application des discours sur la prévention en termes d’investissements ambitieux et de mesures concrètes (voir point 3.2). Les dispositifs mis en place dans les écoles, au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles (voir point 4), illustrent ces défaillances et la nécessité d’une politique de prévention structurelle. Dans ces conditions, la prévention risque bien de rester, comme par le passé, à l’état d’annonce, face à une logique répressive bien ancrée. Les dispositifs de réduction de la demande, tels que la prévention, engendrent pourtant des retombées positives majeures en termes sanitaires, sociaux et économiques (Open Society Foundations, 2016).

Eurotox (2024). Bulletin législatif et politique 2024. L’usage de drogues et ses conséquences socio-sanitaires en Région de Bruxelles-Capitale. Bruxelles : Eurotox asbl. p. 44