Salles de consommation à moindre risque et diacétylmorphine : une histoire de symptômes

Onze verontschuldigingen, dit bericht is alleen beschikbaar in Frans.

logo feditobxl fbÉdito octobre 2015 | Les salles de consommation à moindre risque et les traitements assistés à la diacétylmorphine reviennent dans le débat, en ce début d’automne : ce sont ces jours-ci que la Commission Santé Publique de la Chambre des Représentants étudie les avis écrits récoltés auprès d’experts. Au-delà d’être au centre de débats politiques, salles de consommation et diacétylmorphine sont symptomatiques de  l’état de la santé publique et des conséquences de réorganisations sectorielles.

Rappelez-vous : en juin dernier, quelques dizaines d’experts académiques et du large secteur socio-sanitaire étaient mobilisés pour éclairer la Commission de Santé Publique quant aux salles de consommation à moindre risque et aux traitements assistés à la diacétylmorphine. L’étude des propositions de lois Demeyer avait effectivement tourné court à la Chambre des Représentants, mais le débat était du moins prolongé en Commission, avant le retour prochain en plénière.
Il semble que ces quelques dizaines d’experts aient répondu en masse, et positivement, à l’égard des salles de consommation et des traitements assistés à la diacétylmorphine. Et pour cause, il n’y a rien de plus utile et souhaitable que ces deux dispositifs, pour des usagers de drogues éloignés des soins ou/et n’ayant pu « s’accrocher » à un traitement de substitution classique.

Il n’y a rien de plus utile et souhaitable que ces deux dispositifs, pour développer des politiques de santé publique.
Parler de santé publique est essentiel, car c’est inscrire les pratiques de réduction des risques et de substitution aux côtés des stratégies de prévention et des interventions psycho-sociales. Un collègue néerlandais s’étonnait déjà il y a plusieurs années, du fait que les politiques drogues en Belgique répondent peu aux critères de santé publique. A contrario, nos collègues bavarois sont parvenus à développer une politique drogues, sans doute désormais imparfaite, mais au moins pragmatique et non pas idéologique.

En Belgique, les autorités prennent des voies fortement différentes, teintées notamment par la volonté d’intégration du secteur « drogues » dans celui de la santé mentale : au niveau fédéral, la question a été explicitement posée lors d’une journée d’études consacrée aux projets 107, l’année dernière ; en Flandres, le ministre Jo Vandeurzen finalise une note définissant cette intégration, qu’il mettra en débat lors d’une journée d’études au Parlement Flamand ; en Wallonie, les matières drogues semblent être vouées à être intégrées dans la commission santé mentale de l’Organisme d’Intérêt Public (OIP) qui recueillera les compétences émanant de l’INAMI ; et à Bruxelles, plus spécifiquement à la Cocom, la constitution de l’OIP et la rédaction du Plan Santé Bruxellois nous font craindre les mêmes tendances.

Pourtant, intégrer le secteur drogues dans celui de la santé mentale, c’est risquer d’affaiblir les articulations avec d’autres secteurs et les actions de santé publique qui ont déjà du mal à se déployer. Pour rappel, la précarité de la réduction des risques est toujours à ce point forte, qu’en 2015, à Bruxelles, l’accès au matériel stérile d’injections est encore incomplet… Une intégration du secteur drogues dans celui de la santé mentale permettra-t-elle la consolidation de cette réduction des risques ? Plus concrètement, la santé mentale pourra-t-elle soutenir l’émergence nécessaire de lieux de consommation à moindre risque à Bruxelles ? S’intéresser à l’usage de drogues et à ses potentielles conséquences en termes de virus et d’infections, sans prendre en compte la signification de cet usage ?… Un doute persiste…

Un doute qui n’est pas l’apanage de quelques personnes ou d’un secteur qui serait replié sur lui-même. Un doute qui est partagé par de nombreux collègues, bruxellois mais aussi belges et internationaux : qu’on parle avec des collègues français ou néerlandais, anglais ou portugais, voire avec des membres de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies, le scepticisme est identique, dès lors que les matières « drogues » ne se limitent ni aux assuétudes liées à la santé mentale, ni à la substitution médicale, ni à l’accompagnement social, ni à la réduction des risques, ni encore à la prévention. Les matières drogues font appel à toutes ces pratiques et à tous les partenariats qui en découlent : le Plan Drogues du secteur le démontre suffisamment.

L’application de ce Plan Drogues est dès lors d’autant plus actuelle, nécessaire et urgente, sachant que nous doutons désormais des possibilités offertes par le cadre futur. D’aujourd’hui à 2019, il sera crucial d’engranger les avancées les plus nombreuses possibles, notamment concernant la diacétylmorphine, les lieux de consommation à moindre risque, et la consolidation de la réduction des risques.

Sébastien Alexandre

Twitter Facebook LinkedIn Pinterest Email