En “punissant” les produits à risque réduit qui sont en concurrence directe avec les cigarettes, l’approche du gouvernement belge pourrait entraîner un préjudice certain en matière de santé publique.
Une opinion de Frank Baeyens, professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (KU Leuven, et Konstantinos Farsalinos, chercheur associé à l’Université de Patras et Université de l’Attique occidentale (Grèce)
Avec une prévalence du tabagisme d’environ 23 % parmi la population adulte, 15 000 décès par an liés au tabagisme et un coût annuel de plus de 8 milliards d’euros, le poids du tabagisme sur l’économie et la santé publique belges est énorme. Bien que les effets nocifs du tabac soient connus depuis plus de 60 ans et que le gouvernement fait des efforts immenses pour lutter contre le tabagisme, le pays est très loin de l’objectif qui est de devenir un pays sans tabac, ce qui correspond à une prévalence du tabagisme inférieure à 5 % dans la population.
La situation actuelle appelle l’adoption de la seule arme supplémentaire disponible pour combattre le tabagisme : la réduction du risque tabagique. Un large éventail de produits tels que les cigarettes électroniques, les sachets de nicotine et les produits du tabac chauffés sont apparus sur le marché mondial. Nous disposons aujourd’hui de preuves solides de leur plus faible nocivité et de leur efficacité dans le sevrage tabagique. (…)
Cette approche trop restrictive du gouvernement belge en ce qui concerne les produits de réduction du risque tabagique n’est pas justifiée au vu des preuves scientifiques actuelles et des données concrètes provenant de pays qui ont adopté ce genre des produits pour réduire le tabagisme (…) et pourrait entraîner un préjudice certain en matière de santé publique, en “punissant” les produits à risque réduit qui sont en concurrence directe avec les cigarettes.
Les arguments contre les produits de réduction des risques du tabac reposant sur la diabolisation de la nicotine sont contraires aux données de longue date qui montrent que la nicotine ne contribue que très peu, voire pas du tout, aux maladies liées au tabagisme. L’argument invoquant la protection de la jeunesse ne tient pas compte du fait que la plupart des mineurs qui utilisent le tabac le font à titre expérimental, tandis que l’usage régulier est essentiellement le fait de jeunes ayant des antécédents de tabagisme. La théorie de l’initiation tabagique a été fortement mise à mal par la baisse sans précédent des taux de tabagisme parmi les jeunes durant la période de popularité croissante de la cigarette électronique aux États-Unis.
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Les décisions en matière de politique de santé publique devraient être basées sur un fragile équilibre entre les bénéfices intentionnels et les inconvénients involontaires soigneusement analysés et pris en compte. L’application d’une version extrême du principe de précaution, qui repose généralement sur des préoccupations théoriques largement infondées et sur l’invocation perpétuelle de l’incertitude basée sur l’argument “nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve”, ne peut que nuire aux fumeurs et ne protégera personne, pas même les jeunes. Les législateurs devraient plutôt opter pour une réglementation proportionnelle aux risques, basée sur les données actuellement disponibles.
Lire la carte blanche en intégralité : L’heure est venue de promouvoir la réduction du risque tabagique (La Libre, 3/7/2024)