Édito mars 2019 | Il y a quelques jours à peine, la FEDITO BXL asbl organisait « Drugs in Brussels 2019 » et remettait en exergue la nécessité de réduire les overdoses et les infections liées aux drogues, en développant l’accès à la naloxone, aux outils de dépistage et au traitement. Il est désormais nécessaire d’effectuer le follow up et de mettre en pratique les engagements qui y ont été pris. Or, en ce qui concerne la FEDITO BXL, ce follow up passe notamment par Vienne et par le fait d’assister à la 62ème Commission on Narcotic Drugs. Voici pourquoi…
« Drugs in Brussels 2019 » a effectivement mis premièrement le focus sur les overdoses opiacées, que l’on sait être sous-comptabilisées mais en constante augmentation au niveau européen depuis quatre ans maintenant. Traiter une overdose opiacée est pourtant relativement aisé, dès lors qu’un antidote existe, à savoir la naloxone. En Belgique, cette naloxone n’est disponible que sous prescription médicale, sous forme injectable et sans remboursement. D’autres pays, par contre, la mettent à disposition gratuitement et librement, et sous forme de spray nasal. A « Drugs in Brussels », nous avons étudié la possibilité de s’approvisionner en spray, soit à partir de la France dans le cadre d’une convention avec un CSAPA (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie), soit à partir de l’Irlande dans le cadre d’une importation via une pharmacie en lien avec l’international.
Concernant l’hépatite C, et même si les données manquent encore en ce qui concerne la Belgique, on sait qu’elle fait des ravages parmi les injecteurs de drogues : certaines cohortes dénombrent jusqu’à 70 ou 80 % d’usagers infectés. Mme De Block a permis l’accès gratuit aux soins pour tous les patients infectés depuis le 1er janvier ; encore faut-il néanmoins que les usagers de drogues, qui sont souvent hors du système sanitaire, y ait effectivement accès. Encore faut-il aussi développer les stratégies du « test and treat » : à ce jour, le dépistage démédicalisé (TROD) n’est disponible légalement que pour le VIH. Il est essentiel de légaliser ce même dépistage démédicalisé pour les hépatites B et C, ainsi que de déployer l’usage d’autres outils de diagnostic, comme le buvard.
Il est enfin nécessaire de réduire ces overdoses, et de développer le dépistage et le traitement des hépatites, dans des institutions telles que les prisons.
Les prisons, justement, on en parle dans la proposition de résolution norvégienne qui sera étudiée à la prochaine Commission on Narcotic Drugs (CND), à Vienne, au niveau de l’ONU (à ce jour (4 mars 2019), seuls deux drafts de résolutions ont été rendus publiques). L’objectif général de la résolution est de « Promouvoir des mesures de prévention et de traitement de l’hépatite virale C parmi les personnes qui font usage de drogues ». C’est, en soi, déjà très positif d’avoir une pareille proposition de résolution, d’autant plus qu’elle réaffirme notamment « l’engagement des États Membres à atteindre les cibles fixées par l’Organisation mondiale de la Santé (…), à savoir réduire de 90% le nombre de nouveaux cas d’hépatites virales B et C chroniques et de 65% le nombre de décès dus aux hépatites virales B et C d’ici à 2030. »
Plus concrètement, le projet de résolution « encourage les autorités nationales compétentes à envisager d’intégrer aux mesures et programmes nationaux de prévention, de traitement, de prise en charge, de rétablissement, de réadaptation et de réinsertion sociale ». On voudra y lire, en ce qui concerne la Belgique, l’actualisation et l’implémentation concrète du plan VHC ainsi que le développement, concerté avec les entités fédérées, d’actions existantes et nouvelles.
Dans le détail et dans le même paragraphe, les États sont encouragés à développer « un accès aux programmes touchant le matériel d’injection [et] des mesures destinées à favoriser le recours à d’autres voies d’administration » : on voudra y lire un renforcement des dispositifs d’échange de seringues, ainsi que des salles de consommation à moindre risque dont, en Belgique, le cadre légal est encore inexistant.
Toujours dans le même paragraphe, les États sont encouragés à développer « des traitements antirétroviraux et d’autres interventions pertinentes visant à prévenir la transmission du VIH, de l’hépatite virale et d’autres maladies à diffusion hématogène associées à l’usage de drogues », ce qui est dans la continuité des recommandations internationales visant à l’éradication de ces épidémies, comme cela a été rappelé à Drugs in Brussels.
Enfin, permettre l’accès à de telles interventions s’entend « y compris dans les centres de traitement et de conseil, les prisons et autres structures surveillées », comme le rappelait l’intervention du Dr Fadi Meroueh.
On retrouve donc, dans un texte qui, moyennant amendements, pourrait être adopté par les Etats des Nations-Unies, une partie structurante des recommandations issues de la santé publique concernant l’hépatite C, telles qu’elles ont été présentées à Drugs in Brussels.
Pour ce faire néanmoins, le même projet de résolution « encourage également les États Membres à promouvoir la participation de la société civile, en particulier des organisations ou réseaux de personnes qui font usage de drogues, à tous les aspects de la prévention, du diagnostic et du traitement de l’hépatite virale ». Car effectivement, la concrétisation de l’objectif d’éradication de l’hépatite C d’ici à 2030 ne pourra être atteint que par un partenariat fort avec la société civile.
En Belgique, à l’heure actuelle, les fédérations régionales (VAD, Fedito Wallonne et Fedito Bruxelles) n’ont, à ce jour, encore reçu aucune invitation à assister aux réunions de la Cellule Générale Politique Drogues, alors que c’est de ce lieu et en concertation entre entités fédérales et fédérées, que peuvent être impulsées de nouvelles politiques en la matière.
Sébastien ALEXANDRE, Directeur, FEDITO BXL asbl